Le thème de la conférence Didapro 7- DidaSTIC, qui s’est tenue à la Haute École Pédagogique (HEP) du canton de Vaud à Lausanne du 7 au 9 février 2018 était cette année : « de 0 à 1 ou l’heure de l’informatique à l’école ». C’est donc la didactique de l’informatique qui était à l’honneur de ce colloque, co-présidé par Georges-Louis Baron (Université de Sorbonne Paris Cité, Université Paris Descartes, Laboratoire EDA [EA 407 1]), Eric Bruillard (ENS Paris-Saclay) et Gabriel Parriaux (HEP Vaud). La rencontre avait pour ambition d’« analyser les évolutions qui sont intervenues depuis les années 80 et [de] discuter les résultats de recherches récentes ». En m’y rendant, j’avais trois objectifs destinés à nourrir mon travail de thèse.
En premier lieu, je souhaitais bénéficier des communications des experts présents pour circonscrire le concept de computational thinking (Wing, 2006). Il s’agit pour moi d’identifier les concepts et méthodes de l’informatique dont l’enseignement permettrait de développer une telle forme de pensée chez les élèves romands.
Je souhaitais également repérer les travaux de recherche qui se revendiquent de la didactique de l’informatique. Quels sont les grands jalons de l’histoire de cette discipline ? Quelles questions pose-t-elle ? Quels concepts travaille-t-elle ? Quelles méthodes emploie-t-elle ?
C’était aussi l’occasion de rencontrer les experts du domaine et d’intégrer un réseau francophone de chercheurs en didactique de l’informatique.
Le terme de « computational thinking » (ou pensée computationnelle) a été défini, dans la littérature, comme une manière de penser les problèmes et d’envisager des solutions à partir des méthodes et des modèles de l’informatique (Wing, 2006). Tout au long de la conférence, cette notion était bien présente dans la plupart des interventions. Par exemple, dans sa conférence d’ouverture, Pierre Dillenbourg (2018) mentionnait que « la programmation est au service de la pensée computationnelle » (p.19). Pour Frison, Daoud & Adam (2018), la pensée informatique comprend : algorithme, machine, langages, information. Pour Umashi Bers (2018), « la programmation promeut la pensée abstraite, la pensée systématique, la pensée logique et séquentielle, la pensée algorithmique, la résolution de problèmes, l’apprentissage par l’erreur ». Cette intervenante ajoute que la programmation devrait être perçue comme un élément de la culture scientifique au même titre que le calcul et la lecture. Ainsi, il ressort des communications auxquelles j’ai pu assister et des échanges que j’ai eus, que la programmation était souvent identifiée comme élément favorisant le développement de la pensée computationnelle.
Le second jour du colloque, une table ronde était consacrée à débattre sur ce qu’est cette pensée computationnelle. Néanmoins, la tâche semblait ardue et les participants à cette table ronde nous ont expliqué qu’une définition n’était pas nécessaire car il s’agit, en priorité, de l’enseigner, de la développer chez les étudiants. Cela me laisse dubitative. Comment développer une modalité de pensée jugée impossible à définir ? Comment former les enseignants qui devront concevoir et animer des activités qui visent le développement d’une pensée computationnelle chez leurs élèves si le concept échappe à toute définition ? Cette question rejoint un des résultats d’une recherche menée par Droit-Delang et Trot (2018) qui faisait apparaître les difficultés éprouvées par les enseignants pour identifier les notions liées à la pensée computationnelle présentes dans les activités réalisées en classe.
Il était également question, au cours de la conférence Didapro 7 – DidaSTIC, de traiter des questions liées à la didactique de l’informatique. Toutefois le constat a été fait que les recherches qui relèvent de ce champ de recherche sont en nombre limité. Ceci a été également souligné lors d’une table ronde qui s’est tenue le premier jour. Un des intervenants a mentionné qu’une didactique de l’informatique était actuellement en train de se mettre en place et qu’il lui faudrait un ou deux ans pour produire des résultats. Un autre constat recueilli lors des échanges que j’ai pu avoir avec des experts du domaine est que la didactique de l’informatique d’aujourd’hui était identique à celle des années quatre-vingt et que seuls les outils informatiques avaient réellement changé. Néanmoins, il est ressorti de cette table ronde des avis divergents qui m’ont renforcée dans l’idée qu’il me fallait poursuivre mes recherches dans la littérature scientifique pour constituer un solide état de l’art.
Dans le cadre de ma thèse de doctorat, je m’intéresse à la didactique de l’informatique et plus particulièrement à la phase d’institutionnalisation (Brousseau, 1998) après une session consacrée à l’usage d’un jeu numérique. J’ai pour l’instant jeté mon dévolu sur Prog&Play (Muratet, Torguet, Viallet & Jessel, 2011), un jeu destiné à l’apprentissage de la programmation. Je cherche à identifier les savoirs qui font l’objet d’une institutionnalisation (Develay, 1996 ; Perkins & Salomon, 1992) après une session Prog&Play ; aux éléments à prendre en compte pour conduire cette phase d’institutionnalisation (Allard, 2015 ; Margolinas, 2014 ; Perrin-Glorian, 1993) ; et à l’identification et la répartition des rôles des enseignants et des étudiants lors de cette phase (Margolinas, 1992).
Si vous avez raté la présentation de mon poster lors de la conférence. Cliquez sur le lien ci dessous pour le télécharger. Il s’intitule : «Enseignement de l’informatique : Institutionnalisation après une séquence de jeu Prog&Play au secondaire 2 ».
Poster A0_Maud Plumettaz-Sieber
Références
Allard, C. (2015). Etude du processus d’Institutionnalisation dans les pratiques de fin d’école primaire : le cas de l’enseignement des fractions. Université de Paris VII, Paris. Consulté le 15 février 2018 à l’adresse https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01249807/document
Schiper, A. (2016). Découvrir le numérique : une introduction à l’informatique et aux systèmes de communication (Presses polytechniques et universitaires romandes).
Barraud, C., Becker, V., Bonnet, E. & Chevalier, M. (2018). Atelier Thymio. Atelier de la conférence Didapro 7 – DidaSTIC, Lausanne, 7-9 février 2018.
Brousseau, G. (1998). Théorie des situations didactiques. La pensée sauvage: Grenoble.
Develay, M. (1996). Didactique et tranfert. In Meirieu. P., Develay, M., Durnat, C. & Mariani, Y., Le concept de transfert de connaissance en formation initiale et en formation continue (CRDP). Lyon.
Dillenbourg, P. (2018). Pensée computationnelle : Pour un néopapertisme durable car sceptique. In Parriaux, G., Pellet, J.-P., Baron, G.-L. Bruillard, E. & Komis, V. (eds), De 0 à 1 ou l’heure de l’informatique à l’école : Didapro 7 – DidaSTIC : Actes du colloque, Lausanne, 7-9 février 2018. Berne : Peterlang.
Droit-Delang, B. et Tort, F., (2018). Concours Castor, ressource pédagogique pour l’enseignement de l’informatique ? Communication de la conférence Didapro 7 – DidaSTIC, Lausanne, 7-9 février 2018.
Frison, P., Daoud, M., & Adam, M. (2018). Transition didactique de l’activité débranchée à la programmation avec AlgoTouch. Communication de la conférence Didapro 7 – DidaSTIC, Lausanne, 7-9 février 2018.
Margolinas, C. (1992). Éléments pour l’analyse du rôle du maître : les phases de conclusion. La pensée Sauvage, pp.113-158.
Margolinas, C. (2014). Connaissances et savoirs. Concepts didactiques et perspectives sociologiques. Revue Française de Pédagogie (188), 13-22.
Muratet, M., Torguet, P., Viallet, F., & Jessel, J.-P. (2011). Experimental feedback on Prog&Play, a serious game for programming practice. Computer Graphics Forum, 30 (1), 61-73.
Perkins, D. N., & Salomon, G. (1992). Transfer of Learning. In International Encyclopedia of Education, Second Edition. Oxford. Consulté le 15 février 2018 à l’adresse https://jaymctighe.com/wordpress/wpcontent/uploads/2011/04/Transfer-of-Learning-Perkins-and-Salomon.pdf
Perrin-Glorian, M.-J. (1993). Questions de didactiques soulevées à partir de l’enseignement des mathématiques dans les classes « faibles ». In : Recherches en Didactique des Mathématiques. La Pensée Sauvage, éditions, France. Consulté le 15 février 2018 à l’adresse http://rdm.penseesauvage.com/Questions-didactiquessoulevees-a.html
Sanchez, E., & Monod-Ansaldi, R. (2015). Recherche collaborative orientée par la conception. Un paradigme méthodologique pour prendre en compte la complexité des situations d’enseignement-apprentissage. Education et didactique, 9 (2), 73-94.
Umaschi Bers, M. (2018). La programmation en tant que place de jeu développementale : la pensée informatique et la robotique dans la petite enfance. Communication de la conférence Didapro 7 – DidaSTIC, Lausanne, 7-9 février 2018.
Wing, J. M. (2006). Computational thinking. Communications of the ACM, 49 (3), 33–35.