INFOX#10 : « Le e-learning, c’est de l’enseignement à distance  »

Mis en ligne le 4 avril 2020

Par Florian Meyer

 

Le terme e-learning, est apparu dans le paysage éducatif francophone il y a une trentaine d’années. Il est, bien entendu, emprunté de l’anglais. Si dans ce terme la notion de « learning » est claire et réfère évidemment à l’idée d’apprentissage en français, le « e » quant à lui est plus flou et réfère avant tout à l’idée d’électronique. Ainsi, si on le traduit mot pour mot, on pourrait dire « apprentissage électronique ». En d’autres termes, e-learning désigne un ensemble organisé de solutions et de stratégies permettant l’apprentissage par des moyens électroniques. Les interprétations relatives à ce que « électronique » englobe sont toutefois multiples et évoluent avec le temps. Cela peut, en effet, faire référence aux capacités électroniques offertes par les ordinateurs : exercices, automatisation, création et organisation de ressources multimédias variées, mais cela peut aussi faire référence aux capacités électroniques offertes par Internet : communication, partage et recherche de ressources multimédias variées. Ainsi, une rapide recherche sur Internet vous démontera que les définitions mises de l’avant par différents organismes et établissements de formation sont multiples et variées, mais surtout qu’elles ne réfèrent pas nécessairement à la distance.

 

En français, même si le terme e-learning est d’usage commun, il est recommandé d’utiliser le terme formation en ligne. Cette traduction est très intéressante à plusieurs niveaux. Tout d’abord, elle laisse entrevoir le fait que l’apprentissage concerne des savoirs variés ainsi que le développement de compétences complexes. Ensuite, elle permet d’envisager que d’autres acteurs que l’apprenant lui-même peuvent être impliqués dans l’apprentissage, nous pouvons bien sûr penser aux formateurs, mais aussi aux gestionnaires ou aux pairs. Cependant, elle laisse également sous-entendre que tout doit se faire totalement et uniquement à distance. Or, si le fait d’exploiter le web et ses ressources – que ce soit par l’intermédiaire de sites web (éducatifs ou non), d’outils de collaboration, de production multimédia ou de communication ou encore d’environnements numériques d’apprentissage – correspond tout à fait à l’idée que les apprenants sont « en ligne », cela ne détermine en rien le contexte dans lequel les activités d’enseignement et d’apprentissage auxquelles ils participent doivent se dérouler.  

 

Prenons un premier exemple simple. Imaginons une salle de classe ordinaire, dans laquelle une vingtaine d’élèves du primaire sont regroupés en compagnie de leur enseignant. Durant une période de classe, ce dernier propose à ses élèves de se regrouper en petites équipes et de résoudre un problème complexe pour lequel des informations nécessaires à sa résolution sont accessibles sur Internet, d’autres sont accessibles dans des livres et revues mises à disposition par l’enseignant et d’autres sont des explications données par l’enseignant. Chaque équipe doit garder trace de sa démarche de travail sous la forme de son choix, et la partager dans un espace collaboratif en ligne pour pouvoir ensuite en discuter avec les autres équipes. Dans cette situation de formation, tous les acteurs sont à proximité physique les uns des autres, mais ils misent sur les capacités électroniques que leur offrent leurs ordinateurs et Internet pour réaliser les apprentissages ciblés. Il s’agit donc ici d’une réelle situation de formation en ligne (e-learning), mais dans laquelle aucune distance physique n’existe entre les acteurs impliqués.

 

Prenons maintenant un second exemple. Imaginons une formation universitaire de type cours du soir où tous les étudiants participent depuis leur domicile. Chaque semaine, ces étudiants se retrouvent durant deux heures dans une classe virtuelle où leur formateur offre durant la première heure une conférence sur des sujets spécifiques. Les étudiants sont alors invités à poser des questions dans l’espace de clavardage collectif et à prendre des notes dans un espace collaboratif partagé. Durant la seconde heure, le formateur propose des activités et des exercices permettant à ses étudiants de mobiliser les notions présentées en première heure. Les étudiants sont souvent répartis en petites équipes séparées dans des salles virtuelles distinctes où l’enseignant peut les rejoindre tour à tour, les aider et les guider. Dans cette situation de formation, tous les acteurs sont à distance physique les uns des autres, et ils misent également sur les capacités électroniques que leur offrent leurs ordinateurs et Internet pour réaliser les apprentissages ciblés. Il s’agit donc ici d’une autre réelle situation de formation en ligne (e-learning) dans laquelle un éloignement physique certes existe, mais une présence, cognitive et pédagogique, est indéniable.

 

Prenons un troisième exemple. Imaginons un groupe d’élèves du secondaire rencontrant des difficultés particulières dans une discipline. Afin d’aider ces élèves et leur offrir un soutien personnalisé et différencié, l’enseignant décide de mettre en place une démarche de type classe inversée. Il dépose dans un espace réservé à ces élèves de l’environnement numérique d’apprentissage de son école, un ensemble de ressources multimédias variées (vidéos, animations, schémas, images…) et de consignes et d’explications écrites. Les élèves peuvent consulter ces ressources en ligne à leur rythme, à la maison ou sur le lieu de leur choix, seuls ou en équipes et réaliser au mieux de leur compréhension les consignes proposées. De retour en classe, les élèves continuent leur travail et l’enseignant peut les rencontrer tour à tour et leur offrir un soutien pédagogique ciblé selon les apprentissages réalisés ou non lors du travail à la maison. Dans cette situation de formation, les acteurs alternent entre de la distance et de la proximité physique, de l’autonomie et du travail guidé, de la collaboration ou de l’individuel. Là encore, les capacités électroniques que leur offrent leurs ordinateurs et Internet permettent de réaliser les apprentissages ciblés. Il s’agit donc, encore une fois, d’une réelle situation de formation en ligne (e-learning) dans laquelle un éloignement physique peut parfois exister, mais où la présence cognitive, physique et pédagogique est également très forte.

 

Prenons un dernier exemple. Imaginons un groupe d’étudiants dans un programme de formation technique. Afin de leur faire découvrir et distinguer des milieux professionnels spécifiques dans lesquels ils pourront éventuellement travailler après leur formation, l’enseignant organise des rencontres virtuelles avec des professionnels sur leurs lieux de travail. Durant chaque séance de classe, grâce à des outils simples de type visioconférence, installés sur des téléphones ou des ordinateurs, les étudiants, regroupés dans leur salle de classe avec leur enseignant, peuvent discuter durant une heure avec des experts différents, leur poser des questions, découvrir des caractéristiques des milieux de travail, demander de montrer des gestes professionnels et des procédures, etc. Immédiatement après ces rencontres, l’enseignant propose des activités pédagogiques mobilisant ce qui a été dit durant ces échanges et propose parfois d’analyser des vidéos enregistrées montrant l’activité professionnelle de ces personnes. Dans cette situation de formation, les acteurs se rencontrent de manière synchrone, mais dans deux lieux physiques interconnectés et distants. On pourrait même dire que le milieu professionnel et le milieu scolaire se rejoignent. De nouveau, les capacités électroniques qu’offrent les ordinateurs et Internet permettent de réaliser des apprentissages riches tout en facilitant la mise en relation et le rapprochement de contextes d’apprentissage pourtant éloignés. Il s’agit donc, encore une fois, d’une réelle situation de formation en ligne (e-learning) dans laquelle un éloignement physique existe certes entre certains acteurs, mais où la présence cognitive, physique et pédagogique est constante pour les apprenants et leur enseignant.

 

Ces quatre exemples simples montrent que les modèles de formation en ligne peuvent être multiples et très variés. Il est donc important de retenir que la formation en ligne, par son exploitation des capacités électroniques des ordinateurs (sous toutes leurs formes : ordinateur de bureau, tablettes, téléphones intelligents, etc.) et d’Internet permet bien sûr de s’affranchir de la présence physique d’un enseignant à proximité, mais que néanmoins, elle n’impose pas la distance et l’éloignement. Surtout, il faut retenir que la formation en ligne, toujours grâce aux capacités électroniques, permet d’accéder à d’immenses possibilités d’enrichissements et de rapprochements entre des acteurs variés. La formation en ligne peut faire cohabiter souplement des modalités pédagogiques autrefois antagonistes et incompatibles telles que : la proximité physique et l’éloignement, des activités synchrones et asynchrones, du travail collectif et individuel, de l’autoformation et la formation prescrite ou encore l’apprentissage en milieu scolaire et de pratique. Cette hybridation peut se faire dans des proportions variées sur chacun des axes selon les besoins et les cibles de formation.

 

Autrement dit, le e-learning, cela peut être de l’enseignement à distance, mais c’est aussi et surtout bien plus que cela…

Florian Meyer

Professeur à l'Université de Sherbrooke, florian.meyer@usherbrooke.ca

Bibliographie

Bates, A.W., Desbiens, B., Donovan, T., Martel, E., Mayer, D., Paul, R., Poulin, R. & Seaman, J. (2017). Évolution de la formation à distance et de l’apprentissage en ligne dans les universités et collèges du Canada : 2017.  Vancouver. lien vers l’article 

Bates, A.W. (2016). L’enseignement à l’ère numérique: Des Balises pour l’Enseignement et l’Apprentissage. Vancouver BC: Tony Bates Associates Ltd. Lien vers l’article

Burton, R., Borruat, S., Charlier, B., Coltice, N., Deschryver, N., Docq, F., Eneau, J., Gueudet, G., Lameul, G., Lebrun, M., Lietart, A., Nagels, M., Peraya, D., Rossier, A., Renneboog, E. etVilliot-Leclercq, E. (2011). Vers une typologie des dispositifs hybrides de formation en enseignement supérieur. Distance et savoirs, 1(9)

Dron, J., et Anderson, T. (2014). Teaching crowds: Learning and social media. Lien vers l’article 

Kennedy, G., et Australian Learning and Teaching Council. (2009). Educating the Net generation: A handbook of findings for practice and policy. Strawberry Hills, NSW: Australian Learning and Teaching Council. Lien vers l’article 

King, E., & Alperstein, N. (2015). Best practices in online program development: Teaching and learning in higher education.

Ko, S. S., & Rossen, S. (2010). Teaching online: A practical guide. New York: Routledge.

Lakhal, S. et Meyer, F. (2019). Blended Learning. In Tatnall A. (dir). Encyclopedia of Education and Information Technologies. Springer, Cham. Lien vers l’article

Lebrun, M. (2005). ELearning pour enseigner et apprendre: Allier pédagogie et technologie. Louvain-la-Neuve [Belgique: Academia-Bruylant.

Meyer, F. et Sanchez, E. (2016). Vers des dispositifs de formation hybrides en enseignement. Dans V. Lussi Borer et L. Ria (dir.) Apprendre à enseigner. Paris, France: PUF.

Moore, M. (Ed.), Diehl, W. (Ed.). (2019). Handbook of Distance Education. New York: Routledge, Lien vers l’article

Nizet, I., Galiano, O. et Meyer, F. (2016). Vers un cadrage théorique pour comprendre la classe inversée. In  A. Dumont et D. Berthiaume (Dir.). La classe inversée ou comment rendre mon enseignement intéressant. Bruxelles : De Boeck